Hasard et pensée chinoise
L’auteur Cyrille Javary décrit parfaitement la notion de hasard dans la pensée chinoise, il explique qu’à la différence, de la pensée occidentale où le hasard est ce qui arrive fortuitement, en Chine, le hasard ne peut être dissocié de l’idée « de mise en relation ». La mise en relation de deux univers distincts. L’oiseau alors en est une incarnation parfaite, il met en relation le monde aérien, le ciel et le monde terrestre. Lorsqu’il se pose sur une branche, il va là où il doit aller, tenant compte, des conditions climatiques du moment, de la robustesse de son perchoir. Le choix de l’endroit où il doit se poser concentre le champ des possibles. Ce lieu, son perchoir est une vérité transitoire. Ce choix indique une tendance à un moment donné. L’oiseau sur la branche est quelque part l’expression vivante d’un tirage du yi jing. Cyrille Javary touche ici l’essence de notre réalité, selon moi, une essence qui se confond avec un questionnement sans réponse, et où la sagesse chinoise nous invite, à interroger le yi jing et concentrer nos efforts ici et maintenant. Chercher une réponse, c’est se figer, bien au contraire, il suffit de lever la tête, regarder l’état du ciel, hier des mésanges étaient posées sur un vieux pin, aujourd’hui elles s’agitent sur un buisson d’aubépine. Point de vérités immuables, juste des cycles qui s’interpénètrent. L’oiseau est un vecteur, il montre une direction, il distille des indices sur une météo invisible, celle des courants énergétiques mouvants qui irriguent la réalité.
Leur vol est totalement libre. … ils se posent toujours où ils veulent. C’est pour cela qu’ils se posent toujours où ils doivent.
Cyrille Javary
Je suis sensible à cette façon de regarder le monde. La pensée chinoise est pragmatique et s’inscrit dans l’action.

Ornithomancie et monde moderne
Les oiseaux habitent le décor de nos vies. Ils chantent en arrière plan de nos incessants mouvements de citadins pressés. Nous les avons oubliés, mais eux nous observent. Ils sont toujours là, sans qu’on le sache forcément. Ils tracent des lignes invisibles dans le ciel. Les paysans jadis, les hommes de la terre avaient perpétué une connaissance, assimilée à des superstitions, où l’on interprétait le fait de croiser des pies au bord d’un chemin. Dans l’antiquité, le prêtre augure délimitait dans le ciel un espace puis scrutait l’apparition, le vol, le cri et la position des oiseaux. C’était un art divinatoire, par excellence, en fonction du type d’oiseaux, de son attitude en vol, des signes favorables ou défavorables étaient identifiés. L’expression c’est de bonne augure est restée dans le français moderne. Nous avons aussi le verbe augurer, synonyme de présager. Concernant son étymologie, je n’ai pas l’expertise nécessaire pour trancher la question. Car nous pouvons lire, ici et ailleurs, que augure se serait former sur le mot augere « accroitre » et un rapprochement avec le grec augê « éclat solaire » serait envisageable. Et en 2025, comment penser cette relation à l’oiseau, messager du ciel. Dans un premier temps, revenons sur des évènements concrets. Lors du tsunami de 2004 en Thaïlande (et dans d’autres régions de l’océan Indien), de nombreux témoins ont rapporté que les oiseaux se sont dirigés vers l’intérieur des terres avant que la vague n’arrive. N’est ce pas une illustration bien réelle d’un présage ? Autre exemple, le cri d’alarme d’un oiseau peut vous inciter à lever la tête vers le ciel et remarquer un changement soudain. Les hirondelles rasant le sol à la recherche d’insectes, peuvent indiquer qu’un orage est en préparation, et que la pression atmosphérique décroissante, pousse les mouches à voler bas. Il existe bel et bien des cas précis, où l’oiseau est un allié, une aide précieuse.

Poésie, modernité et un vol de martinets noirs
Je suis souvent saisi par la beauté d’un vol de martinets noirs. Leurs cris stridents et sensibles orchestrent nos ébats amoureux. Tenant par la main sa promise, au balcon d’une terrasse sur la côte d’azur, des martinets noirs virevoltant dans le bleu profond d’une matinée aoutienne, offre une dimension unique à l’instant vécu. Les martinets qui fusent sur les hauteurs d’un clocher, d’un petit village en Provence, sont la signature du mystère en pleine lumière. J’utilise volontairement cette expression en référence au livre de Maurice Barrès « le mystère en pleine lumière ». Les martinets noirs changent de direction en permanence, successions d’acrobaties aériennes spectaculaires, aucun de leurs vols ne se ressemblent. Je trouve que ce proverbe portugais, repris par Paul Claudel dit ce que je cherche à vous faire comprendre :
Dieu écrit droit avec des lignes courbes.
proverbe portugais et mis en épigraphe de sa pièce de théâtre, Le Soulier de satin par Paul Claudel
Pour rappel, La vie du martinet est presqu’entièrement aérienne puisque l’oiseau ne se pose que par nécessité pour pondre. C’est un pur esprit.

